Sunday, April 12, 2009

Les portes de la magnanerie de Bsous s’ouvrent sur un «Orient de soie et d’or»

L'Orient-Le Jour, 1 juin 2004.
Exposition - Les trésors des trousseaux
de la famille Antaki et la collection de robes de scène de Papou Saadé
Les portes de la magnanerie de Bsous s’ouvrent sur un «Orient de soie et d’or»

Une vue d’ensemble de la salle où sont exposés les trousseaux Antaki.

Cela tient à quoi, un fil de soie? À créer, surprendre et tisser la toile de fond d’une époque enfuie dans le temps. Pour la magnanerie de Bsous, la famille Antaki, d’Alep, a ouvert ses malles et sorti les luxueux trousseaux de ses ancêtres. De la robe de mariée en satin, tulle et dentelle de soie (Marseille, 1890) à la chemise de nuit, en passant par la broderie impériale datant du XVIe siècle, les «maysar» de bain et les «bokja» made in Istanbul, une débauche de soie tissée or, brodée de dentelle, d’«aghabani» ou de points de chaînette, ornera les cimaises du musée jusqu’au 29 août. De même, 13 tenues de scène provenant de la collection de Papou Lahoud Saadé racontent de fil en aiguille la mode vestimentaire des XVIIIe et XIXe siècles. Le tout mis en scène par l’architecte d’intérieur Jean Louis Mainguy.
Côté Papou Saadé, tout d’abord. Une procession de princesses libanaises, «cheikhas», paysannes et bédouines permet aux visiteurs d’explorer les diverses composantes du costume traditionnel: «koubran» (veste avec ou sans manche), «ghumbaz» (robe manteau), «jubbé» (cape en velours ou satin), «sherwal» (pantalon bouffant), «shamlé» (ceinture) ou encore «labbadé». Treize tenues traditionnelles, liées à des évènements festifs, ont été, en bonne partie, créées pour les besoins de la scène et portées par la vedette Salwa Katrib, dans les «musicals» de Roméo Lahoud. À Baalbeck, en 1974, la chanteuse, incarnant le personnage d’une «cheikha» du XIXe siècle, s’était coiffée d’un tarbouche et avait revêtue une robe en soie orange feu, brodée de paillettes, de perles et de pierres. À Jerash, en 1987, interprétant le rôle d’une «émira» du XVIIIe siècle, elle arborait un «tantour» (sorte de corne creuse en argent sur laquelle était posé un voile) et une toilette en shantung de soie ivoire rebrodée de pierres de couleurs et de fils d’or. La même année, sur les planches de Byblos, Salwa Katrib est apparue en caftan brodé de fil de soie, calotte de velours sur la tête. À ses côtés, une bédouine en robe noire ornée de fils de soie et de pierres de couleurs. Pour ne citer que quelques exemples.
Des trésors de soie et d’or aussi, pour les dames Antaki, d’Alep, parées de leurs plus beaux atours. Leurs robes, dont le modèle se référait à l’imaginaire occidental, se voulaient dignes des duchesses. L’exposition donne à voir une débauche de velours, de brocart, d’organdi, de soie brodée de dentelle du XVIIIe siècle et parmi lesquels une tenue de bal en soie or exécutée dans les ateliers de Mme Borel, à Marseille, un ample manteau en cachemire des Indes, un «meslah» et son étole en dentelle de France (début XIXe), un boléro brodé d’or, une ceinture polonaise avec inscriptions russes (XVIIIe siècle), une selle impériale en soie brodée (XVIe siècle). En bref, une moisson d’images à vous donner le tournis.
Le linge, placé sous le signe du luxe et du raffinement, dévoile par ailleurs l’admirable maîtrise des brodeuses locales dont l’aiguille tournait à plein pour confectionner porte-pyjamas, chemises de nuit et liseuses, mouchoirs, «abayas», «jellabas», cape de circoncision, édredon pour berceau, couvre berceau… le tout en lin, soie ou brocart, brodé de fil d’or, d’ «aghabani», de points de chaînette ou de dentelle. Au menu également, des «bokjas» ornés de broderies (Istanbul XVIIIe), des Donato (Alep, XIXe), des coussins «Brousse» (fin XVIe) et un tapis de prière en soie tissée or (Damas, fin XVIIe siècle).
Cap ensuite sur le hammam, où Jean-Louis Mainguy a dressé un décor à l’ancien: lanternes, lustre, «shibouk» (pipe longue) et divan orné de coussins moelleux (Donato, XIXe siècle) donnent une note voluptueuse aux lieux. Là s’exhibent les «meysar» et les gants de bain, les couvre têtes et les serviettes en coton brodé de soie et d’or (Beshkir ou Brousse, XVIIIe siècle). Dans la chambre à coucher tapissée de boiserie damascène, le lit est drapé de soie brodée d’argent. Sur la table de chevet trône l’ouvrage d’Alex Russel, Histoire de la ville d’Alep, 1856… Qui raconte un autre art de vivre. Un «Orient de soie et d’or», à la fois familier et lointain.
Une exposition à ne pas rater. Les portes du musée sont ouvertes tous les jours, sauf lundi, de 10h à 18h.

May MAKAREM

La soie vivante

Et toujours à la magnanerie de Bsous, l’exposition «Soie vivante» raconte les différentes étapes de la fabrication de la soie, de l’œuf du bombyx Mori au tissage :
– Vers à soie, cocons, bombyx.
– Le mûrier «arbre d’or».
– Les outils, documents et produits.
– La démonstration de dévidage des cocons.
– Le tissage sur des métiers traditionnels.
– Une exposition de photos anciennes.

«Émira», «cheikha» ou paysanne

Au XIXe siècle, le costume traditionnel de l’«émira» ou «cheikha» libanaise se composait d’un «koubran» (veste brodée avec ou sans manches), en soie ou en velours; d’un «ghumbaz» ou robe manteau brodée d’or ou d’argent, parfois même recouvert de pierres précieuses; d’une sorte de robe formée de trois pans et fendues sur les côtés à partir des hanches ; d’une blouse ou «mentière» et d’un «sherwal» ou pantalon bouffant, sans oublier la ceinture appelée «shamlé» qu’on enroule autour de la taille. Elle est en soie l’été, velours pour l’hiver. Enfin, une «jubbé», sorte de cape en velours ou satin brodé d’or ou d’argent (appelée «abaya» de nos jours).
Les princesses portaient le «tantour», sorte de corne creuse en argent sur laquelle était posé un voile. À la mort de son époux, la princesse cassait alors la corne en argent et distribuait les morceaux à ses enfants. Voilà pourquoi il ne reste que deux «tantours» authentiques, dont l’un exposé au musée du palais de Beiteddine et qui appartenait à l’«émira» Chams, deuxième épouse de l’émir Béchir II.
Les «cheikhas» portaient un «tarbouch» en feutre rouge souvent brodé de fils d’or et d’argent et parfois entouré d’un turban en soie.
Les paysannes ou les servantes se coiffaient simplement du «mandil», fichu dont le bord était travaillé au crochet et qu’elles nouaient autour du cou. Elles portaient aussi la «labbadé» qu’elles ornaient des fleurs de champs et qu’elles recouvraient d’un voile.

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