Sunday, April 12, 2009

Environnement - Stages pour des élèves d’un lycée agricole français À Bsous, la végétation prend le pas sur le béton

L'Orient-Le Jour, Mercredi 11 Avril 2001

Une entraide s’est organisée autour des jeunes étudiants français. L’un d’eux poursuit ici l’aménagement de la salle.

Mme Lenoble Prédine et
M. Bourdais au milieu du jardin improvisé.



Dans le beau village de Bsous (caza de Aley), le béton, comme partout ailleurs, commence à gagner du terrain. Cependant, c’est peut-être le seul endroit où l’on a réussi à inverser la tendance : le béton aura été à son tour grignoté par la verdure. Comment cela ? Grâce à une expérience tentée par des étudiants français du Lycée agricole et horticole de Saint-Germain-en-Laye, accompagnés par des experts et des professeurs : leurs mains magiques ont transformé une pièce en béton, dans le bâtiment attenant à l’église du village, en véritable jardin où se retrouvent les différentes cultures traditionnelles libanaises.
Pour mener à bien ce projet, le lycée agricole français s’est associé avec Patrimoine, mémoire et développement, une organisation libanaise. La municipalité ainsi que les habitants de Bsous collaborent avec les jeunes pour les aider à faire ressortir les racines de la culture des villages libanais. Tout en découvrant des horizons nouveaux, ces étudiants suivent en fait un stage pratique de fin d’études. Et ils font profiter les autres de cette expérience mémorable, se renseignant auprès des habitants sur les traditions qui ont disparu de la vie quotidienne et qui revivent dans la mémoire retrouvée. Ils ont reçu un excellent accueil de la part de la société locale.
Toute une philosophie sous-tend ce projet : celle du retour à la terre et aux racines, celle du développement durable et du tourisme écologique, notions futuristes basées sur… le passé. «Outre le patrimoine bâti, le patrimoine végétal façonne l’identité du Liban», remarque Mme Françoise Lenoble Prédine, coordinatrice et inspiratrice du projet, qui connaît bien le Liban puisqu’elle est l’une des personnes à avoir travaillé sur le Plan vert de Beyrouth. «Les moulins, les magnaneries, les terrasses plantées, les paysage ruraux sont d’une extrême importance. Or les grands paysages se perdent, la terre glisse, le sol devient aride, les terrasses disparaissent, nous assistons à un véritable phénomène de désertification. Il faut préserver le patrimoine végétal là où il se trouve encore».
À Bsous, la flore s’avère particulièrement intéressante. Non seulement les espaces verts sont d’une grande beauté, mais ils peuvent même devenir source de bénéfices pour peu qu’on prenne la peine de les préserver. «Les écotouristes, aujourd’hui les voyageurs les plus aisés, sont très sensibles aux pratiques et usages traditionnels d’un endroit donné», poursuit Mme Lenoble Prédine.
Le paysage réhabilité serait donc utile à plus d’un niveau (sans compter l’intérêt écologique pur d’une telle préservation). Selon l’experte, plusieurs idées peuvent être mises en application et devenir une véritable ressource pour les habitants : produits traditionnels manufacturés et vendus sur place, locations d’endroits pour séminaires ou expositions, goûters traditionnels et promenades dans des jardins typiques libanais pour randonneurs …

Un alambic antique.

L’écologie, source de développement
Les idées émises par Mme Lenoble Prédine correspondent en fait à une nette tendance en France actuellement, celle du retour au jardin et à une certaine forme d’agriculture respectueuse de l’écologie, appelée tout simplement l’écoagriculture. «Ce qui nous a aidés dans notre projet libanais, c’est l’amour des jeunes pour le jardinage», explique-t-elle. «Le jardin est un outil de sensibilisation à toutes les préoccupations écologiques. Nous travaillons avec des classes primaires pour apprendre aux enfants qu’il ne suffit pas de planter un arbre, encore faut-il s’en occuper pour qu’il vive. En France, des étudiants s’occupent de la formation d’élèves et de leurs instituteurs au jardinage».
Dans le cadre de l’année de la francophonie, au cours de laquelle se déroulera le sommet en octobre prochain, Mme Lenoble Prédine veut lancer la mode du potager en carré, un mètre vingt par un mètre vingt. «La campagne de sensibilisation sera lancée à Bsous dans le cadre de l’année de la francophonie», dit-elle. «L’ONG libanaise qui collabore avec nous pourra prendre la relève par la suite. De telles formations pourraient aider les Libanais à se renseigner sur des produits à forte valeur ajoutée, plus rentables dans un cadre de crise agricole». Et les citadins ? «Mon rêve est de faire de la Forêt des Pins le théâtre d’un projet similaire destiné aux habitants de la capitale», poursuit-elle.
Pour sa part, M. Michel Bourdais, directeur du Lycée agricole et horticole de Saint-Germain-en-Laye, s’étonne que «les végétaux trouvés dans les pépinières libanaises soient pour la majeure partie importés, alors que le Liban est parfaitement capable de produire des plantes qui lui sont caractéristiques». Pour lui, «le développement durable repose sur une préservation des paysages menacés par le béton». Il poursuit : «Écotourisme et agriculture écologique, c’est vers cela qu’il faudrait s’orienter. Nous avons commis des erreurs en France. Mais avec le recul, nous nous sommes rendu compte qu’il y avait des limites, qu’il fallait miser sur le développement durable. Nous espérons faire profiter le Liban de notre expérience».

Une superbe magnanerie à Bsous, récemment retapée par ses propriétaires.

Des jeunes enthousiastes
M. Bourdais précise que les élèves actuellement en activité à Bsous sont au nombre de deux, entourés de leurs formateurs et professeurs. Six les avaient précédés et six autres devraient venir de France en juin pour travailler sur le chantier de l’école du village. Interrogés sur le financement du déplacement et du séjour des jeunes Français au Liban, Mme Lenoble Prédine et M. Bourdais précisent : «Il n’existe pas de financement au départ. Les élèves investissent eux-mêmes dans leur voyage, travaillant pour pouvoir en payer au moins une partie. Nous mettons tous de l’argent de côté pour cela. Mais l’argent n’est pas tout. L’entraide s’organise autour des élèves et les micro-projets qu’ils implantent sont pris en charge par les habitants eux-mêmes».
Parmi les projets déjà réalisés, un jardin de céréales avec un four collectif, et un aménagement de terrasses combinant la culture de la soie et des olives. Par leur travail, les élèves peuvent aussi assister la municipalité dans ses projets. Pour le chantier de l’école, il est possible que des élèves libanais joignent leurs efforts à ceux des étudiants français.
«À Bsous, nous pourrions monter une petite école où l’enseignement serait axé sur l’esprit de valorisation du patrimoine végétal», déclare M. Bourdais. «Elle serait fréquentée par des élèves français et libanais. Les premiers pourront faire profiter les seconds de leur expérience dans le jardinage, alors que les Libanais partageront avec les Français leurs compétences en informatique».
Sur qui pourraient-ils compter pour réaliser un tel projet ? «Des initiatives privées pourraient assurer la logistique», dit-il. «Par ailleurs, la région Ile-de-France trouve l’idée intéressante. Nous avons également rencontré des partenaires libanais, universités et lycées techniques, qui ont manifesté de l’intérêt pour le projet».
D’ailleurs, ce n’est pas la première fois que M. Bourdais, qui connaît le Liban depuis 1995, pense à l’implantation d’un lycée agricole dans ce pays. Un habitant de Koura (Liban-Nord) lui a déjà proposé de mettre en application son idée dans cette région. Malheureusement, le projet n’a pas abouti.
Or, selon le directeur du Lycée agricole et horticole de Saint-Germain-en-Laye, de tels établissements répondraient à de réels besoins au Liban. «Nous remarquons que les personnes évoluant dans le milieu agricole sont soit détentrices de diplômes supérieurs, soit elles ne sont pas qualifiées du tout», dit-il. «Or les ingénieurs ont subi une formation assez théorique. Les formations techniques en France produisent des techniciens supérieurs qui connaissent le terrain. Espérons que cela se fera un jour au Liban». Par ailleurs, il n’exclut pas que de telles formations puissent être implantées, en collaboration avec son lycée, dans des établissements déjà existants.
Enfin, il convient de se demander pourquoi le Liban a suscité l’intérêt de ces chercheurs. «C’est un pays dont on tombe amoureux», nous dit tout simplement Mme Lenoble Prédine. «Nos élèves sont toujours très heureux ici, et nous en remercions le village. Il existe au Liban une culture de l’hospitalité extraordinaire qui, constitue en elle-même un créneau à développer. Ainsi nous sommes capables de dire à nos élèves : c’est cela l’accueil !»

Une exposition sur le patrimoine végétal



Rien que des végétaux locaux.

Les élèves français du Lycée agricole et horticole de Saint-Germain-en-Laye ont transformé une salle en béton, dans le bâtiment attenant à l’église de Bsous, en un véritable jardin. Toujours soucieux de donner à leurs travaux un caractère local, ils n’ont employé que des végétaux trouvés dans le village. L’aménagement de cette salle, en collaboration avec la municipalité et l’association Patrimoine, mémoire et développement, a fait l’objet d’une exposition à but culturel.
Outre les plantes, les fleurs et les arbres, les projets des étudiants étaient également exposés dans la salle. Certains d’entre eux consistent en des itinéraires pour promeneurs, dont l’intérêt repose sur le patrimoine végétal du village. Des herbiers faits à partir des différentes plantes caractéristiques tapissaient les murs. Pour bien marquer l’intérêt de l’écologie et du patrimoine dans la vie quotidienne, des aliments traditionnels étaient également exposés. Au fond de la salle, un coin a été aménagé pour des projections.
Par ailleurs, un concours de photos et de dessins avait été organisé par les jeunes Français, auquel les écoliers de Bsous ont participé de bon cœur, sur différents thèmes concernant les végétaux.

Suzanne BAAKLINI

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